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la maladie expliquée

Interview avec Docteur Christelle DUFOUR et Docteur Jacques GRILL, Chercheurs-Oncologues à l’Institut Gustave Roussy. Villejuif.

Que veut dire le sigle PNET?

PNET signifie Tumeur Neuro-Ectodermique Primitive.

On distingue les PNET sus-tentorielles, situées au dessus du cervelet, de la PNET du cervelet, appelée médulloblastome.

De façon courante, on utilise le terme PNET pour les PNET sus-tentorielles.

Ces PNET regroupent de nombreuses entités (médulloépithéliome, pinéaloblastome, ETMR…).

Les PNET sus-tentiorelles peuvent se localiser au niveau des hémisphères cérébraux comme au niveau de la région pinéale.

Ces tumeurs sont plus fréquentes chez l’enfant, elles peuvent exister chez les bébés dès les premiers mois de vie et chez les adultes.

Quels sont les premiers signes de la maladie?

Les premiers signes dépendent de la localisation et de la taille de la tumeur.

L’hydrocéphalie est particulièrement fréquente lorsque la tumeur se développe dans la région pinéale. Cette pression excessive dans le liquide céphalorachidien se manifeste par des maux de tête le matin et des vomissements fréquents mais intermittents, transitoires, si rapidement suivis d’une amélioration que la recherche de leur origine peut-être négligée ou trop facilement attribuée à une autre cause.

La baisse des performances scolaires est encore plus difficile à rattacher à sa cause, et chez les très jeunes enfants, l’augmentation du périmètre crânien est souvent le seul signe avant que la régression des acquisitions ne devienne évidente.

Une paralysie de la moitié du corps (hémiplégie) ou des signes pyramidaux (gestes malhabiles ou mouvements fins difficiles à effectuer) plus discrets peuvent être observés.

Des crises convulsives peuvent également révéler ces tumeurs.

Cependant, ces tumeurs peuvent se développer lentement pour atteindre un volume extrêmement important sans entraîner de signe neurologique visible et cela en raison de l’étendue des zones silencieuses du cerveau.

Lorsque la maladie est localisée au niveau des lobes frontaux, les enfants peuvent avoir une longue histoire de troubles comportementaux qui ne prennent leur signification que lorsque le diagnostic est porté.

Afin de faire le diagnostic d’une tumeur cérébrale, un bilan radiologique comprend une IRM cérébrale.

Cependant, seule l’analyse de la tumeur prélevée lors d’une intervention chirurgicale permettra de faire le diagnostic de PNET.

Pourquoi est-elle si agressive?

On ne sait pas vraiment pourquoi ces tumeurs sont si agressives. Peut-être que leur origine embryonnaire leur confère des capacités de développement plus grande (les cellules embryonnaires -par rapport aux cellules matures, dites différenciées- ont pour caractéristiques de se multiplier très vite, de pouvoir se déplacer aux travers des tissus et de s’adapter continuellement aux conditions de l’environnement).

On dissèque biologiquement petit à petit les mécanismes de virulence pour définir des cibles thérapeutiques pertinentes.

Peut-on facilement diagnostiquer cette tumeur à temps?

Oui.

Faut-il être médecin Oncologue pour diagnostiquer ces tumeurs?

Tous les médecins sont sensibilisés au cours de leurs études aux tumeurs pédiatriques. Des formations continues autour des tumeurs malignes de l’enfant sont régulièrement proposées.

Quel est le pourcentage d’enfants atteints par cette tumeur en France et à l’étranger?

En France, 10 – 12 nouveaux cas par an. Cette incidence est constante dans le monde.

Quel est le pronostic?

Les PNET sus-tentorielles sont des tumeurs agressives dont le traitement reste difficile à l’heure d’aujourd’hui. Les risques de récidive de la maladie au cours ou au décours du traitement sont importants!

Quels sont les traitements proposés?

À ce jour , le traitement fait appel à la chirurgie, à la chimiothérapie et à la radiothérapie. L’exérèse chirurgicale complète est un élément important du traitement.

Concernant les jeunes enfants âgés de moins de 5 ans, les protocoles de traitement actuels visent à intensifier la chimiothérapie afin de limiter les volumes et les doses d’irradiation pour limiter les séquelles à long terme.

Pour les enfants âgés de plus de 5 ans, l’intensification de la chimiothérapie est également utilisée afin d’améliorer le pronostic de ces enfants.

Quelle est la différence entre Gliome et PNET?

C’est une question bien difficile car nous ne disposons pas de marqueurs permettant de différencier de façon certaine ces deux types de tumeurs qui, lorsqu’elle surviennent chez des enfants très petits, ont bien souvent un aspect très indifférencié (c’est à dire justement qu’elle ne ressemblent pas bien à un tissu particulier). Cependant des formes particulières sont de plus en plus souvent décrites avec des marqueurs biologiques plus spécifiques.Par exemple, la présence d’une mutation d’un gène des histones va plutôt orienter vers un gliome alors que la présence e la protéine Lin28 ou un gain de la portion distale du chromosome 19 vont plutôt orienter le diagnostic vers celui de PNET. Mais faire la différence entre ces deux diagnostics reste difficile bien souvent, c’est pourquoi des recherches complémentaires doivent être faites car in fine, cela permettra de mieux guider les traitements.

Depuis quand cette tumeur est-elle connue?

L’acronyme PNET à été créé en 1985 par Lucy Rorke, une éminente professeur de pathologie américaine.

Mais ces tumeurs sont décrites comme des tumeurs embryonnaires depuis très longtemps, dès les premières classifications des tumeurs cérébrales par Bailey et Cushing en 1925.

Ce concept a regroupé des tumeurs qui se ressemblent mais qu’on apprend de plus en plus à distinguer avec la biologie.

Où en est la recherche médicale à ce jour?

La recherche médicale s’est trouvé empêtrée dans le concept de PNET et comme cela représente une grande variété d’entités biologiques différentes, chacune très rare, beaucoup de données contradictoires ont été générées.

Les équipes internationales avec lesquelles nous collaborons, ont choisi de faire un effort sans précédent de classification de ces maladies en utilisant à la fois des critères histologiques (c’est à dire basée sur l’analyse des tissus au microscope comme on l’a fait jusqu’ici) et des critères biologiques (c’est à dire par l’analyse à large échelle du génome des tumeurs par des biopuces).

Une fois que le consensus sera obtenu, on pourra s’attacher à décrire les particularités de chacune de ces entités pour décider des meilleurs approches thérapeutiques spécifiques à chacune d’entre-elles.

Avez-vous des échanges de données avec différents pays?

La communauté des chercheurs impliqués dans ces recherches est finalement très petite et se rencontre fréquemment dans des réunions d’échanges de savoir.

Peu d’équipe sont capables de développer des recherches sur ces tumeurs toutes seules et de facto de nombreuses collaborations existent dans ces domaines.

Actuellement, nous participons à une étude européenne menée par l’équipe d’Heidelberg. Cette étude ayant regroupé plus de 150 échantillons de PNET à travers l’Europe permettra éventuellement de mieux définir certaines entités comme les ETMR ou les pinéaloblastomes, pour rechercher d’éventuelles cibles thérapeutiques.

À quoi sert la classification des tumeurs?

La classification sert à définir des groupes homogènes de tumeurs dont on pourra ensuite décrypter les caractéristiques. Ceci est impossible quand tout est mélangé car on n’arrive pas alors à trouver des anomalies communes et cohérentes pour avancer.

Ensuite, lorsqu’une entité particulière est décrite, on peut alors mieux choisir le traitement pour les patients suivants.

Pourquoi aucune classification n’a été entreprise avant 2013?

Ces tumeurs se ressemblent beaucoup sous le microscope mais pas du tout sous le « génoscope ». Il nous faut accumuler et standardiser de nombreuses données de biologie acquises sur ces biopuces (25 000 gènes par tumeur pour les puces d’expression par exemple, chacun avec un niveau d’expression propre et plus de 2 000 segments de génomes, des milliers de variations de séquence des gène qui ne sont pas toutes des mutations, et les données cliniques, et les données de microscope…): un vrai défi pour nos équipes de bioinformaticiens.

Donc, cela prend un peu de temps!

Après la classification de cette tumeur, peut-elle nous donner un espoir de développer un traitement adapté?

Oui, définitivement, nous en sommes persuadés. Mais cela prendra encore du temps car il faut franchir un certain nombre d’étapes.

Et notamment disposer de bons modèles de ces maladies pour pouvoir tester des médicaments au laboratoire.

Pouvez-vous nous parler des essais thérapeutiques?

Du fait de la rareté des PNET sus-tentorielles, les patients sont traités en fonction de leur âge comme les patients atteints d’un médulloblastome métastatique.

Un jeune patient âgé de moins de 5 ans sera à ce jour traité selon le protocole PNET HR, comportant une chirurgie, puis 2 cures de chimiothérapie de type VP16-Carboplatine suivies de 5 cures de chimiothérapie à haute-dose avec autogreffe de cellules souches hématopoïétiques périphériques (cellule permettant de limiter la durée d’aplasie) et d’un traitement par radiothérapie.

En ce qui concerne l’enfant âgé de plus de 5 ans, les recommandations actuelles sont le protocole PNET HR+5 comportant une chirurgie, suivie de 2 cures de chimiothérapie de type V16-Carboplatine, 2 cures de chimiothérapie à haute-dose avec autogreffe de cellules souches et d’une irradiation.

Avez-vous de nouveaux résultats à ce jour?

Le protocole PNET HR et PNET HR+5, essais thérapeutiques incluant les enfants de moins de 5 ans et de plus de 5 ans respectivement sont actuellement en cours d’analyse.

Peut-on rechercher des molécules, drogues spécifiques pour traiter cette tumeur?

Deux approches sont possibles. La première consiste à trouver des cibles en disséquant la biologie de ces tumeurs et ensuite à chercher les meilleurs médicaments; cette démarche est plus longue et on peut tomber sur des cibles pour lesquelles aucun médicament n’est développé par les laboratoires pharmaceutiques.

La deuxième consiste à tester à grande échelle de nombreux médicaments qui existent d’abord sur des cellules tumorales, ensuite sur des animaux de laboratoires porteurs de tumeurs de même type et enfin chez les patients dans des essais cliniques précoces.

Notre équipe utilise les deux approches en parallèle et nous avons mis en place les outils nécessaires à chacune des étapes.

Avez-vous connaissance d’autres associations de lutte contre les PNET dans le monde?

Non. Mais il existe plusieurs associations qui soutiennent la recherche sur les tumeurs cérébrales en France.

Que pouvons-nous apporter avec l’association « Liv & Lumière »?

L’engagement des associations de parents à nos côtés nous montre que notre engagement est juste et qu’il à de la valeur pour les autres, et c’est peut-être la chose la plus importante. Mais il permet aussi d’entreprendre des recherches plus vite et plus efficacement.

En effet, avec les budgets publics restreints, la compétition est rude avec les autres cancers plus fréquents chez l’adulte.

Il nous faut courir les appels d’offres avec souvent peu de chances d’obtenir des financements et souvent avec de nombreux mois de délais.

Avec l’aide des associations, plus réactives que les administrations, on peut commencer tout de suite, dès qu’on a une idée et c’est capital.

Mises bout à bout, ces aides sont devenues vitales pour nos équipes et le développement de nos recherches.

À quel endroit pouvons-nous reverser des dons?

Vous pouvez faire un don à:

Gustave ROUSSY/ service des dons et legs
114, rue Edouard Vaillant. 94 805 Villejuif Cedex

Précisez compte de l’association Liv & Lumière, don pour tumeur PNET .

Vous recevrez un reçu fiscal en retour.

Pouvons-nous obtenir des comptes-rendus sur les avancées de la recherche afin d’ informer les parents d’enfant malade et les donateurs?

C’est une règle absolue pour nous de faire un retour adapté aux associations qui nous soutiennent.

Le soutien des associations est toujours mentionné dans les publications que nous faisons grâce à ces subventions.

En fonction des associations, plusieurs modalités sont possibles: rapport annuel circonstancié à la fois scientifique et financier, lettre d’avancement des travaux, conférence didactique, visite du laboratoire et rencontre des chercheurs…

Avez-vous une explication scientifique sur l’exceptionnelle résistance de Liv face à cette horrible maladie et traitements agressifs accumulés depuis 4 ans?

Liv et les gens autour d’elle sont responsables de cette résistance.

Il faut continuer à s’accrocher.

MERCI Docteur Dufour et Docteur Grill pour votre disponibilité afin de nous éclairer sur cette terrible maladie,
MERCI aux amis pour vos questions pertinentes et votre soutien.